L’échauffement est le passage obligatoire, si l’on veut réussir une séance en termes de performances et de diminution du risque de blessures. De plus, il doit être rigoureusement mené afin d’être le plus efficace possible. Cependant, rares sont les personnes qui font un échauffement efficace. En effet, en général, il est trop court, trop long, composé d’exercices inutiles…
Dans cet article, nous allons aborder la théorie sur les échauffements, ce qui vous permettra de comprendre son importance, et vous donnera quelques clefs pour construire votre propre routine en fonction de votre sport et de vous (blessures anciennes ou actuelles, limitation d’amplitude, raideur…). Mais gardez bien à l’esprit qu’il n’y a aucun consensus scientifique sur un protocole d’échauffement parfait !
1. L’échauffement en théorie
1.1 Une définition de l’échauffement
« L’échauffement a pour but d’accomplir les deux fonctions principales suivantes : améliorer la dynamique d’un muscle afin qu’il soit moins enclin à se blesser ; et préparer l’athlète aux exigences de l’exercice » [1].
1.2 Le muscle produit de la chaleur [2]
En fonction de l’activité, la part de l’énergie consommée (énergie chimique) qui sert à la production du mouvement (énergie mécanique) se situe entre 12 et 25 %. Cela s’explique, par le fait que le corps doit vaincre les frictions internes et externes qu’il rencontre, lors de l’exécution d’un mouvement. Le reste de l’énergie étant en grande partie dissipé sous forme d’énergie thermique.
A savoir : Lors de la marche, de la course ou de la pratique du vélo, le rendement en énergie mécanique est de 20 %, mais il peut être plus bas dans les sports où la résistance externe est importante, comme les sports aquatiques par exemple.
1.3 Les effets de l’augmentation de la température musculaire
L’amélioration du métabolisme musculaire [3]
Il a été montré que l’augmentation de la température joue un rôle au niveau du métabolisme musculaire, en améliorant la vitesse de renouvellement de l’adénosine triphosphate (ATP), par augmentation de l’utilisation de créatine phosphate (PCr) et l’accumulation d’ions H+. De plus, on observe aussi une augmentation de la glycolyse anaérobie et de la glycogénolyse musculaire. Ces modifications métaboliques se traduisent par une augmentation de la production d’énergie.
On a aussi une vasodilatation qui va se produire, ce qui amène plus de sang au niveau des tissus actifs.
A savoir : Le renouvellement anaérobie de l’ATP est constaté lors des 2 premières minutes d’un exercice intensifs après l’échauffement, par augmentation de la disponibilité du glycogène.
L’augmentation des performances des différentes fibres musculaires [3]
Lors de l’augmentation de la température, on observe une plus grande utilisation de PCr dans les fibres de type I. De plus, on a une plus grande utilisation de PCr et de l’ATP ainsi que de la puissance maximale dans les fibres de type II.
Les résultats pour les fibres de type I sont obtenus lorsque la fréquence de contraction est lente ; alors que les résultats pour les fibres de type II sont obtenus lorsque la fréquence de contraction est rapide.
De plus, pour être fort un muscle doit être relâché et se relâcher vite. L’échauffement permet cela en facilitant l’élimination du calcium du myoplasme, la dissociation du calcium de la troponine et de faire céder les ponts rémanents.
L’augmentation de la vitesse de conduction des fibres musculaires [3]
L’élévation de la température musculaire améliore la relation force-vitesse et le rapport puissance-vitesse. En effet, une augmentation de 3° C de la température du muscle augmente à la vitesse de conduction des fibres musculaires ce qui diminue le temps nécessaire pour atteindre le pic de contraction (contraction maximale) ; augmente le taux de développement de la force (force explosive) et la puissance ainsi que la capacité de réaction du muscle.
D’un point de vue physiologique, l’amélioration de la vitesse de conduction des fibres musculaires est expliquée par :
- La libération de calcium du réticulum sarcoplasmique au cours de la dépolarisation de la membrane de la fibre musculaire
- L’hyperpolarisation membranaire résultant d’une activité accrue de la pompe sodium/potassium
- Le gonflement des fibres musculaires et/ou l’activation plus rapide des fibres musculaires
Ainsi, les améliorations post-échauffement de la performance neuromusculaire peuvent, en partie, être attribuées aux altérations des propriétés de conduction des fibres musculaires.
L’amélioration du fonctionnement du système nerveux [3]
L’augmentation de la température va améliorer l’excitabilité du muscle, par l’augmentation de la vitesse de la conduction nerveuse. On aura donc une meilleure vitesse de contraction musculaire et une meilleure coordination.
D’après les études scientifiques, une augmentation de la température corporelle de 2° C augmente de 20 % l’excitabilité musculaire, et atteint un fonctionnement optimal entre 38° C et 39° C. Cependant, entre 39° C et 40° C, on a une diminution du recrutement musculaire.
On a aussi une augmentation de la force (augmentation de la force maximale isométrique de 2 % par degré de température, certains auteurs parlent de 2.8 % par degré celsius). Par ailleurs, il a été mis en évidence qu’on avait une amélioration de la performance physique de 2 à 5 % par degré de température en fonction du type et de la vitesse de contraction. Mais on ne connaît pas la température optimale de fonctionnement du muscle.
L’élévation de la cinétique d’absorption d’oxygène [3]
Il a été montré que la réalisation d’un échauffement entraîne une augmentation de l’amplitude de la composante rapide de la consommation maximale en oxygène (VO2) et une réduction de la composante lente de la VO2. L’ensemble de ces modifications de la fonction métabolique peuvent améliorer la tolérance à l’effort et la puissance moyenne.
Courbe de la cinétique d’absorption de l’oxygène :
La phase I représente l’échange d’oxygène (O2) associé à l’élévation initiale du débit cardiaque et donc du débit sanguin pulmonaire (phase cardio-dynamique). La phase II est traditionnellement identifiée comme une croissance vers un état d’équilibre de la VO2 (composante rapide). Enfin, la phase III indique l’atteinte de la VO2 à l’état d’équilibre (composante lente).
Les phénomènes physiologiques impliqués dans ces processus sont :
- La modification de l’apport en oxygène (accélération) vers les muscles et de son extraction (dissociation accélérée)
- L’augmentation de la concentration plasmatique en oxygène
- L’augmentation du recrutement d’unités motrices
- La modification de la courbe d’oxyhémoglobine
- L’augmentation de l’activité enzymatique oxydante et l’accélération des processus biologiques
- L’acidose résiduelle
A savoir : Cependant, il existe des études selon lesquels l’échauffement peut nuire ou ne pas avoir d’influence sur la performance ultérieure de l’exercice, ce qui s’explique par la différence dans l’intensité des échauffements, leur durée, les exercices pratiqués…
L’augmentation de l’élasticité [1-4]
L’augmentation de la température musculaire permet d’augmenter la viscoélasticité (propriété thixotropique du muscle) des muscles. Ce qui permet aux muscles d’être plus étirés, avec moins de force, et de diminuer les risques qu’ils se rompent partiellement.
L’ensemble de ces processus permet d’obtenir des contractions régulières [1].
1.4 L’impact psychologique de l’échauffement [1]
L’échauffement est l’occasion de se préparer mentalement à l’activité qui va arriver, en utilisant des techniques comme la visualisation, la prononciation de mots clés, la focalisation de l’attention, l’éveil préparatoire… Ces stratégies sont conçues pour limiter les distractions et renforcer sa confiance en soi, et ont montré leur efficacité sur l’amélioration des mouvements sportifs et de l’augmentation de la force.
1.5 L’échauffement et la prévention des blessures [5-9]
Tout d’abord, il faut savoir qu’il n’existe aucune étude qui évalue l’intérêt d’un échauffement du haut du corps sur les blessures du haut du corps [5]. On ne peut donc pas dire scientifiquement que l’échauffement du haut du corps peut aider à prévenir les blessures, mais de manière empirique et logique on peut tout de même affirmer qu’il est indispensable de s’échauffer en musculation avant une séance où l’on va solliciter le haut du corps. Surtout dans les sports où l’on soulève des charges lourdes (comme en musculation par exemple) et où les blessures les plus retrouvées sont celles au niveau des épaules, du bas du dos, du genou, du coude et du poignet / main, [6-7] au niveau élite ou amateur.
En revanche, pour le bas du corps il y a beaucoup plus d’études, notamment grâce à l’étude du football, où les blessures les plus récurrentes se retrouve au niveau du membre inférieur [8]. De plus, on sait que le programme « 11+ », qui est un échauffement décrit pour le football permettrait de réduire de 30 à 50 % le risque de blessure et d’augmenter les performances. Mais certaines études montrent son inefficacité.
On peut extrapoler l’intérêt de s’échauffer dans le cadre de la musculation, afin de diminuer le risque de blessure.
1.6 L’échauffement et la performance [5,11]
Dans cette partie, nous allons étudier les effets de l’échauffement sur la performance sportive. Généralement, il est admis que l’échauffement préalable à l’exercice est essentiel à l’obtention de performances optimales. En effet, nous avons vu tous les bénéfices qui sont apportés par les échauffements au niveau physiologiques, mais il faut savoir maintenant si cela peut se retranscrire sur la performance.
Une méta-analyse de 2010 [10], a montré que l’échauffement permettait d’améliorer la performance dans 79 % des cas, mais n’y changeait rien dans 3 % des cas, et était même néfaste dans 17 % des cas. Les améliorations ont été démontrées dans les sports de type aérobie et aussi anaérobie tels que le cyclisme, la course à pied et la natation. Des améliorations ont également été constatées dans les activités de saut vertical, de sauts horizontaux, mais aussi d’agilité ; ainsi que dans des performances sportives telles que softball, le basket, le golf…
Des bénéfices allant de moins de 1 % à près de 20 % ont été observés sur la performance, malgré qu’il existe dans ces études des défauts de méthodologie comme l’absence de groupe contrôle ou l’absence d’établissement d’une base à laquelle comparé les performances suite aux échauffements.
Par ailleurs, dans la plupart des études ou l’échauffement n’augmentait pas la performance, l’échauffement n’était pas spécifique à l’action que le sportif allait effectuer, était trop court pour provoquer une augmentation de la température, ou encore avait un temps de repos trop long entre la fin de l’échauffement et le début de l’activité.
A savoir : Seules 8 des études ont montré une amélioration absolue de la performance à la fois de la moyenne et des intervalles de confiance. Cependant, aucune étude n’a montré une diminution absolue de la performance.
Il faut noter, que les échauffements trop longs sont inutiles et inefficaces [11] et peuvent provoquer une perte de force et d’énergie.
On peut observer ici encore, que l’échauffement doit être adapté à votre pratique sportive et à vous.
2. L’échauffement en pratique
2.1 L’échauffement passif et actif
Dans la pratique, on peut séparer l’échauffement passif où la température musculaire ou la température corporelle, va être augmentée par des moyens externes comme des douches chaudes, des saunas, des coussins chauffants, des crèmes chauffantes… Et les échauffements actifs, qui impliquent une activité physique.
2.2 L’échauffement général et spécifique
L’échauffement général :
L’échauffement général a pour but d’augmenter la température corporelle (musculaire, articulaire…), de préparer les cartilages, de permettre l’augmentation de la sécrétion de synovie (lubrification articulaire qui est stimulée lors des grandes amplitudes).
On peut noter, qu’il faut 5 minutes pour augmenter la température musculaire et 15 minutes pour augmenter la température corporelle [4].
N.B : La durée de votre échauffement doit aussi dépendre de la température du lieu dans lequel vous vous entraînez.
Il doit contenir :
- Des automassages
- Des mobilisations articulaires simples
- Des étirements actifs et/ou balistiques et/ou activo-dynamique
- Pourquoi pas, une activité cardiovasculaire à moyenne intensité pour augmenter la fréquence cardiaque et respiratoire
Cependant, un échauffement spécifique est indispensable pour la performance [12].
L’échauffement spécifique :
L’échauffement spécifique utilise des activités se rapprochant au plus du sport que l’on prépare. Il va permettre l’amélioration de la technique, de préparer le sportif aux contraintes en imitant l’activité sportive…
C’est la partie la plus importante de l’échauffement, dont nous verrons des exemples pour la musculation dans le prochain article sur les échauffements.
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BIBLIOGRAPHIE
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