Quelle est la bonne quantité de protéines à consommer par jour quand on pratique la musculation ? Tous les sportifs de force s’intéressant à la nutrition se sont déjà posé cette question. Aujourd’hui, nous allons essayer d’y répondre en analysant une étude récente qui apporte de nouvelles réponses.
Rappel sur les protéines
Si vous n’avez pas lu l’article sur les protéines, ou que vous n’êtes pas familier avec ce terme, je vous conseille d’aller faire un tour sur ce lien : http://bit.ly/2v3sIqy
Pour rappel, les recommandations du Plan National Nutrition Santé (PNNS) sont de 0.83 gramme de protéines par kilo et par jour, sans distinction d’âge, de sexe, d’activité physique… L’académie de médecine aux États-Unis confirme que cette quantité est suffisante pour les sportifs de force, bien que de nombreuses études viennent contredire cette affirmation.
La balance azotée, une méthode dépassée
Historiquement, la mesure des besoins en protéines été mesuré en mesurant la balance azotée. La balance azotée est la différence entre l’azote ingéré par l’intermédiaire des protéines, qui est la seule source d’azote alimentaire, et l’azote excrété par l’intermédiaire des urines, des selles, par la peau… Pour assurer une croissance musculaire, et de manière plus générale que l’organisme fonctionne de manière optimale, il faut que la vitesse de production et d’assimilation des protéines soit plus importante que la vitesse de dégradation des protéines. Dans ce cas, on est en situation d’anabolisme. Si la balance est négative, on est en situation de catabolisme. Si la balance est neutre, on est en situation d’équilibre.
Cependant, cette méthode possède plusieurs limites, notamment la surestimation de l’apport en protéines et une sous-estimation de l’excrétion d’azote. D’où des recommandations qui varient entre 0.85 g de protéine par kilo et par jour selon les médecins, mais pouvant aller jusqu’à 2 g de protéines par kilo et par jour.
Cette méthode de mesure est fiable pour des consommations basses en protéines et pour des durées d’études courtes. En effet, la meilleure utilisation des acides aminés et la diminution du turn over des protéines permettent un phénomène « accommodation » rendant l’utilisation de la balance azotée inefficace.
La méthode de l’oxydation de l’acide aminé indicateur (Indicator Amino Acid Oxidation, IAAO), une méthode novatrice
Cette méthode récente comble les faiblesses de la balance azotée. Elle suppose que la méthode optimale pour déterminer l’exigence de protéines alimentaires (pour les bodybuilders) implique une évaluation de la synthèse des protéines dans l’ensemble du corps.
Elle repose sur le concept selon lequel, lorsque les protéines alimentaires sont insuffisantes, l’oxydation de tous les acides aminés, y compris l’acide aminé indicateur, sera important. Ce qui signifie que lorsque la synthèse protéique est limitée par un acide aminé essentiel à cause de sa trop faible disponibilité, alors tous les autres acides aminés, dont l’indicateur, seront oxydés (car les protéines ne sont pas stockées par l’organisme comme le sont les glucides et les lipides).
Cependant, si l’apport en acide aminé limitant augmente (en augmentant sa consommation de protéines), alors l’oxydation de l’acide aminé limitant diminue ainsi que l’oxydation des autres acides aminés, il en résulte alors une augmentation de l’utilisation des autres acides aminés et celui limitant pour la synthèse protéique.
Les mesures se font grâce à l’ingestion d’un acide aminé « marqué », ou on a remplacé le carbone 12 de la molécule par du carbone 13 (un isotope stable), ce qui permet de détecter son oxydation via l’expiration de 13CO2).
L’objectif de cette étude est de quantifier les besoins en protéines quotidiens chez des culturistes jeunes et expérimentés avec l’utilisation de la technique IAAO.
Protocoles de l’étude
Les participants
Cette étude a suivi huit culturistes, en bonne santé, âgés de 18 à 42 ans (moyenne d’âge de 22.5 ans) avec trois ans d’expérience minimum en musculation et pratiquant au moins quatre entraînements de musculation et 20 minutes d’activité aérobie (cardio) par semaine. Leur poids devait être stable au cours des 6 derniers mois. Ils devaient être non-fumeurs et boire moins de 8 g d’alcool par semaine. Les participants ne devaient pas avoir utilisé de stéroïdes anabolisants. Enfin, leur indice de masse maigre ou fat free mass index (FFMI) a été calculé afin de vérifier qu’ils étaient proches de leur potentiel musculaire maximal.
Modèle de l’étude
Les mesures ont été effectuées les jours de repos, 48 heures après l’entraînement (car l’entraînement en force peut augmenter les taux de synthèse protéique pendant 48 heures) afin d’éviter toute surestimation de l’exigence en protéines. Les participants ont fait l’objet de plusieurs expérimentations de 3 jours (42 fois sur toute la durée de l’étude, séparé d’une semaine minimum), avec le test de l’IAAO le 3ème jour (après un jeûne de 12 heures). On a ensuite donné, de manière aléatoire, aux participants entre 0.1 et 3.5 g de protéines par kilo de poids de corps, avec de la phénylalanine marqué. Le reste de la diète a été calculé en fonction du métabolisme basal de chacun, et est resté iso-calorique tout au long de l’étude. Ensuite, la reprise de l’entraînement était reprise de manière normale afin de minimiser au maximum les interruptions dans leurs programmes d’entraînement.
Les mesures d’enrichissement en phénylalanine marqué ont été faites au niveau urinaire et de l’air expiré.
Résultats
Les résultats ont montré que l’oxydation des protéines a diminué de manière linéaire avec l’augmentation des apports en protéines, jusqu’à un apport de 1.7 g de protéines par kilo de poids de corps, en moyenne. En effet, à partir de 1.7 g on a un infléchissement de la courbe (un plateau), ce qui signifie qu’au-delà de 1.7 g de protéines par kilo de poids de corps, ne permet pas d’empêcher l’oxydation des acides aminés.
Cependant, si l’on considère l’intervalle de confiance, les chercheurs indiquent que les besoins individuels peuvent monter jusqu’à 2.2 g/ kg pour la limite supérieure et 1.2 g/ kg pour la limite inférieure.
Selon cette étude, avec un apport de 2.2 g/ kg de protéines par jour (soit 2.6 fois que les recommandations officielles), les sportifs de force de haut niveau couvrent la totalité de leur besoin en protéines. Cette quantité de protéines étant en aucun cas dangereuse pour l’organisme, dans l’état des connaissances scientifiques actuelles.
Petit complément pour en apprendre encore plus
Les études antérieures évaluant les besoins en protéines ou en acides aminés ont identifié quatre états différents du métabolisme des protéines :
- « La déficience en protéines », définie comme la réduction maximale de la synthèse des protéines pour tout le corps, sauf les organes vitaux ;
- « L’accommodation », dans lequel l’équilibre est obtenu grâce à une diminution des processus physiologiques appropriés ;
- « L’adaptation », dans laquelle une croissance optimale, un échange interorganique en acides aminés et une fonction immunitaire sont présents ;
- « L’excès », qui se caractérise par une oxydation des acides aminés pour la production d’énergie et l’excrétion d’azote via l’urée, ce qui n’entraîne plus aucune stimulation supplémentaire de la synthèse des protéines.
En outre, on sait qu’indépendamment de l’âge, lorsque les apports de protéines sont proches des recommandations actuelles (bas pour un culturiste) et sont combinés à un entraînement en force, les culturistes de haut niveau ont une accommodation permettant l’augmentation de l’efficacité de l’utilisation de l’azote, mais une synthèse protéique inférieure à l’étape d’adaptation.
Cependant, cela n’est probablement pas idéal pour une croissance musculaire optimale. Les culturistes devraient plutôt être dans l’état d’adaptation.
Les avantages de cette étude
Il faut savoir que c’est la première du genre à évaluer l’exigence de protéines chez les bodybuilders masculins expérimentés avec l’utilisation de la technique de l’IAAO. Elle montre qu’il faut 23 % de plus que les résultats rapportés précédemment pour les bodybuilders avec l’utilisation de la méthode de la balance azotée. Cette étude explique que les besoins en protéines sont 30 à 40 % plus élevé pour les personnes sédentaires, dans les études ou on mesure les apports avec la méthode de l’IAAO.
Le fait que les culturistes se soient alimenté en protéines en poudre pour les mesures n’est pas problématique, car des études ont montré que l’apport de protéines et d’acides aminés reflètent l’apport par l’alimentation.
Le fait que les culturistes ont eu un apport de 1.5 g/ kg de protéines lors des 2 jours d’adaptation, alors que leurs apports habituels de 2.4 g/ kg n’est pas problématique, car l’apport habituel n’influence pas les besoins en protéines.
Les limites de cette étude
La principale limite de l’étude est liée au moment des mesures. En effet, les mesures étant faites les jours de repos, il est possible que les besoins en protéines soient plus grands lors des jours d’entraînement. De plus, on ne connaît pas le programme en détail des culturistes, c’est-à-dire s’il est accès plus sur l’endurance ou la force, ce qui peut une nouvelle fois modifier les besoins en protéines. Par ailleurs, il faut garder en tête que ce qui est testé ici, c’est une réponse de l’organisme à court terme, et que cela ne présage pas directement des effets réels sur la force ou l’hypertrophie musculaire.
On sait aussi que les trois jours de repos nécessaire aux mesures, ne sont pas habituels dans l’entraînement de ces culturistes.
On peut aussi se demander, si chez les novices, étant donné qu’ils sont en mesure de développer plus de muscle au début de leur pratique et qu’il n’utilise pas de manière optimale leurs protéines, s’il ne faut pas plus de protéines pour un novice en musculation ?
Cette étude rejoint néanmoins un certain nombre d’études récentes et de méta-analyses qui suggèrent un apport moyen aux alentours de 1,7 g/kg de corps pour les sportifs de force, avec une limite supérieure utile aux alentours de 2,2 g/kg.
BIBLIOGRAPHIE
Bandegan A, Courtney-Martin G, Rafii M, Pencharz PB, Lemon PW. Indicator Amino Acid-Derived Estimate of Dietary Protein Requirement for Male Bodybuilders on a Nontraining Day Is Several-Fold Greater than the Current Recommended Dietary Allowance. J Nutr. 2017 May;147(5):850-857.